PROSPECTIVE - Le National Intelligence Council a publié son rapport qui brosse les grandes tendances...
Tous les quatre ans, le renseignement américain sort sa boule de cristal et regarde 20 ans devant. Géopolitique, économie, technologie... Si on évite une guerre nucléaire, une pandémie massive, la montée des eaux ou l'écroulement de la zone euro, on pourrait vivre dans un monde multipolaire, où les inégalités se réduisent et la technologie nous permet de vivre mieux et plus longtemps, selon le rapport du National Intelligence Council.
Economie: La grande inconnue
On se trouve à un carrefour majeur et incertain, comme lors de la chute du mur de Berlin. En clair, tout peut basculer d'un côté comme de l'autre pour l'économie mondiale. Une faillite de la Grèce et une sortie de la zone euro aurait un impact huit fois supérieur au dépôt de bilan de Lehman Brothers. Quoi qu'il en soit, la part de l'Amérique du nord, du Japon et de l'Europe dans l'économie mondiale, va largement diminuer au profit de la Chine, de l'Inde et du Brésil. La Chine devrait devenir la première puissance mondiale «un peu avant 2030» et les pays émergents vont tirer la croissance. Le chiffre qui donne le vertige: lors de la révolution industrielle, il a fallu 150 ans pour que le revenu moyen par tête double au Royaume-Uni; la même chose va se produire en Chine et en Inde en dix fois moins de temps, avec 100 fois plus de monde.
Géopolitique: Vers un rééquilibrage
Les changements économiques vont avoir un impact sur la géopolitique. L'investissement militaire et technologique de l'Asie va dépasser celui de l'Amérique du nord et de l'Europe. Le monde va devenir multipolaire. La menace principale vient de Téhéran. «D'un côté, si l'Iran demeure une République islamique et parvient à se doter de l'arme nucléaire, l'avenir du Proche-Orient s'annonce très incertain. D'un autre côté, l'émergence de gouvernements modérés et démocratiques ou un accord entre Palestiniens et Israéliens auraient d'énormes conséquences positives.» Avec la modernisation des sociétés, l'accès aux réseaux sociaux et d'information, le terrorisme devrait diminuer mais devenir potentiellement plus meurtrier. Des groupes d'individus devraient être capables de mettre la main sur des armes bactériologiques et des drones. Le cyberterrorisme, visant notamment à perturber les marchés économiques et financiers, pourrait également se développer.
Démographie: L'émergence d'une classe moyenne mondiale
La population mondiale devrait grimper à 8,3 milliards de personnes, contre 7,1 milliards aujourd'hui. La principale tendance sera l'éclosion d'une classe moyenne dans les pays émergents comme l'Inde. Le problème du vieillissement va s'aggraver au Japon et pour l'Occident, qui connaîtront sans doute un problème de main d’œuvre et de financement des retraites. Les progrès de la médecine devraient nous permettre de travailler plus longtemps.
Pandémie: Une sérieuse possibilité
Le SRAS ou la grippe H1N1 ont sonné l'alarme: les virus mutants peuvent passer des animaux à l'homme et faire des ravages. Avec la globalisation et l'urbanisme galopant, un agent pathogène contagieux, avec un taux de mortalité de 1%, se propagerait dans le monde entier en moins de six mois et ferait plusieurs millions de victimes.
Environnement: La loi des extrêmes
Les prévisions «suggèrent une aggravation des phénomènes actuels, avec des zones humides devenant plus humides et des zones sèches devenant plus sèches». Cela devrait avoir un impact sur l'agriculture mondiale et il faudra «des progrès sur la biogénétique, une collaboration entre Etats et entre pouvoirs publics et acteurs privés» pour faire face aux défis alimentaires.
Technologie: L'ère du «big data» et de «l'humain augmenté»
Google, Facebook, Apple, Amazon... Les grands acteurs vont disposer d'une mine de données et de bien plus d'informations en temps réel que les gouvernements. L'ère du «big data», c'est celle du traitement automatisé de quantités astronomiques d'informations, qui aura des effets dans les domaines de la santé, de la finance, de la publicité ciblée et de la lutte contre la criminalité. Et même peut-être sur les politiques gouvernementales, avec des décisions qui pourraient être prises avec l'aide de la machine. L'impression 3D, qui permet de fabriquer des pièces complexes couche après couche, devrait révolutionner le monde des PME et de l'industrie. Il sera «peut-être possible d'imprimer des vaisseaux sanguins et des organes artificiels d'ici 2030, mais des avancées majeures seront nécessaires». Toujours côté médecine, l'humain sera «augmenté» par des prothèses ou un exosquelette, notamment pour les personnes handicapées et âgées, et les interfaces cerveau-machine se développeront. Selon toute vraisemblance, on vivra «mieux et plus longtemps» grâce aux progrès dans la lutte contre les maladies dégénératives.
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Philippe Berry, avec Reuters source : 20minutes.fr