source image : Nasa
Mars réserve bien des surprises ! En 2013, le rover américain Curiosity avait décrété qu’on ne trouvait pas de méthane dans son atmosphère, alors que ce gaz y avait auparavant été mesuré depuis la Terre ou des sondes envoyées autour de la Planète rouge. Les espoirs de ceux qui pensaient y trouver de la vie avaient alors été douchés. Sur Terre, en effet, le méthane est un gaz qui a très majoritairement pour origine l’activité des êtres vivants.
Mais voilà que les déçus d’hier peuvent à nouveau s’accrocher à l’hypothèse de la présence de vie sur Mars : mardi 16 décembre, lors de la conférence d’automne de l’Union géophysique américaine, Christopher Webster (Jet Propulson Laboratory, Pasadena, Californie) et ses collègues ont annoncé que Curiosity avait détecté du méthane flottant sporadiquement dans le cratère de Gale, où il évolue.
« Cette augmentation temporaire de méthane nous dit qu’il doit y avoir une source relativement localisée », estime Sushil Atreya (Université du Michigan), membre de l’équipe du rover, dans un communiqué diffusé par la NASA. En effet, la durée de vie du méthane dans l’atmosphère étant estimée à 300 ans, le retour rapide à de faibles concentrations plaide pour une dispersion depuis un « puits » de gaz de faible amplitude. Les mesures ont été effectuées par un des instruments du système d’analyse d’échantillon SAM, à une douzaine de reprises sur une période de vingt mois. Fin 2013 et début 2014, quatre mesures ont montré des concentrations moyennes de sept parties par milliard, dix fois plus que les taux moyens enregistrés précédemment.
Grande variété de sources possibles
Dans un article publié dans la revue Science, l’équipe détaille ces variations et leurs possibles explications. Le méthane peut en effet provenir d’une grande variété de sources : transformation d’une roche, l’olivine ; dégradation par les rayons ultra-violets de molécules organiques provenant de météorites ; production par l’impact de comètes ; relargage depuis des clathrates, des gaz gelés piégés sous la surface, ou d’autres gaz adsorbés sur le régolithe, la poussière laissée à la surface par l’impact de météorites ; érosion du basalte contenant des inclusions de méthane ; production géothermale. Mais aucune de ces explications ne cadre totalement avec les observations.
« L’hypothèse que je favoriserais est celle de la déstabilisation de poches de gaz sous-terraines par l’impact d’une météorite ou par un séisme », avance Pierre-Yves Meslin (Institut de recherche en astrophysique et planétologie, CNRS, Toulouse), cosignataire de l’article de Science. Mais sur l’origine même de ce méthane, géochimique ou liée à une activité microbienne, passée ou présente, on ne peut pas trancher. » Voir dans ces bouffées de méthane des signes de vie, « c’est bien sûr prématuré », assure-t-il. Michel Cabane (Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales), responsable d’un des instruments de SAM, non signataire de l’article de Science, avance une autre piste : « S’agit-il d’un phénomène saisonnier ? Il sera intéressant de voir s’il se reproduit après l’équinoxe de printemps, en juin 2015. »
Les observations de Curiosity réjouiront en tout cas les scientifiques qui tentent de mesurer le méthane depuis la Terre ou des satellites martiens. Leurs données, parfois contradictoires, avaient été invalidées il y a un an par le rover. Il va falloir en réévaluer la portée. Surtout, de nouveaux instruments vont pouvoir apporter leur contribution. C’est le cas de la sonde indienne Mangalyaan, en orbite autour de la Planète rouge depuis septembre et conçue pour « renifler » le méthane atmosphérique. L’équipe de Curiosity s’est d’ailleurs empressée de publier ses résultats pour ne pas se faire griller la politesse par ses confrères indiens...
Pour l’Agence spatiale européenne, l’annonce de la NASA tombe aussi à pic, puisqu’elle conforte sa toute récente décision de lancer en 2016 la mission ExoMars, qui comprend une sonde, Trace Gaz Orbiter, chargée de mesurer le méthane et d’autres gaz, et qui larguera aussi un atterrisseur sur Mars. « Les observations de Curiosity pourraient permettre de prévoir des “manips” plus ciblées », estime Michel Cabane, qui fera aussi partie de l’aventure ExoMars.
Par ailleurs, Curiosity a foré une roche baptisée Cumberland et y a trouvé pour la première fois de la matière organique, a annoncé l’équipe du rover lors de la réunion de l’AGU. Mais là encore, impossible de déterminer s’il s’agit du résultat d’une activité biologique ou non. « Nous allons continuer à travailler sur les puzzles que ces découvertes représentent, a indiqué John Grotzinger (Caltech), responsable scientifique de Curiosity. Pourrons-nous en apprendre plus sur la chimie qui engendre de telles fluctuations du méthane dans l’atmosphère ? Pourrons-nous choisir de cibler des roches dans lesquelles de la matière organique a été préservée. » Les prochains mois, pendant lesquels Curiosity va poursuivre son périple vers le Mont Sharp, le diront.
Source : lemonde.fr Hervé Morin Pôle Science et Médecine