Il y existe un monde à l’extrémité du système solaire qui, à bien des égards, ressemble beaucoup plus à la Terre que quiconque ne l’aurait imaginé. Là-bas, des glaciers gelés écoulent l’humidité des montagnes de glace qui surplombent les bassins lisses. Jeudi, 2 mars
photographie de NASA/JHU/SwRI
De Nadia Drake
Des brumes complexes s'étalent sur la surface de Pluton, rétroéclairée par le soleil couchant.
Il existe une planète à l’extrémité du système solaire qui, à bien des égards, ressemblent beaucoup plus à la Terre que quiconque ne l’aurait imaginé. Là-bas, des glaciers gelés écoulent l’humidité des montagnes de glace qui surplombent les bassins lisses des régions les plus basses. Le tout recouvert d’un ciel rempli de brume, d’énormément de brume, divisée en plusieurs couches.
Cette planète, c’est Pluton.
L'été 2015, la sonde spatiale New Horizons a survolé la surface de la planète naine à moins de 13 000 kilomètres, la mitraillant de photos et rassemblant autant de données que possible sur la composition de la couche supérieure de cet astre gelé. Puis, quinze minutes après être passée au plus près de Pluton, New Horizons s’est retourné et a capturé une photo de la planète juste avant le coucher du soleil. Depuis, la NASA a publié cette carte postale crépusculaire.
Vue presque au coucher du soleil des montagnes de glace escarpées et des plaines gelées de Pluton. Son cœur, la plaine Spoutnik (à droite), est bordé de montagnes abruptes culminant à 3 500 mètres d’altitude, dont le Mont Norgay au premier plan, et le Mont Hillary sur l’horizon. La scène représentée est large de plus de 1 250 kilomètres.
photographie de NASA/JHU/SwRI
Si étiez tombé sur cette image par hasard, on vous pardonnerait de penser qu’il s’agit d’une représentation de la Terre en noir et blanc.
Elle « me rappelle la chaîne Transantarctique le long de la barrière de Ross à cause de ses hautes montagnes surplombant une étendue ouverte et plate de glace en constante évolution, » commente Simon Porter du Southwest Research Institute et membre de l’équipe de New Horizons.
Sur Terre, on connaît assez bien le principe de formation des montagnes. Sur Pluton, on n’est pas encore sûr. Il n’y a pas de trace évidente de volcans, de plateaux en érosion, ou de plaques tectoniques entrant en collision. « La formation des massifs montagneux sur Pluton pourrait être plus analogue à la rupture de la banquise sur Terre, mais à une échelle bien plus grande, » explique Alan Howard de l’Université de Virginie, lui aussi membre du projet.
Et puis, il y a ces glaciers, que les scientifiques imaginent avancer comme le font les glaciers sur Terre, centimètre par centimètre, en écoulant l’humidité des montagnes. Sauf que les glaciers plutoniens sont composés d’azote, pas de glace d’eau. Selon les scientifiques, il est probable qu’il existe sur Pluton un phénomène semblable au cycle de l’eau sur Terre : de l’eau qui s’évapore des océans, puis retombe sur terre sous forme de pluie ou de neige, pour enfin retourner à la mer par les rivières et les glaciers. Mais Pluton possède une composition chimique et des températures différentes, potentiellement dominées par de la glace d’azote molle aux côtés de glaces de méthane et de monoxyde de carbone.
De la glace, probablement de l’azote gelé, accumulée sur les hauteurs (à droite), s’écoule des montagnes de Pluton vers la plaine Spoutnik en passant par divers vallées (flèches rouges). Le front d’écoulement de la glace en mouvement vers la plaine Spoutnik est signalé par les flèches bleues.
photographie de NASA/JHU/SwRI
« Ce qu’il se passe réellement, c’est que ces glaces s’évaporent des plaines gelées connues de façon informelle sous le nom de plaine Spoutnik [le cœur], et sont transportées par l’atmosphère sur des dizaines, voire des milliers de kilomètres avant de retomber au sol probablement sous forme de givrek, » explique Howard. « Aux endroits où suffisamment de givre s’est accumulée, la glace redescend comme un glacier vers sa source, que l’on soupçonne être la plaine Spoutnik. »
Soit, en résumé, un cycle de l’azote, peut-être alimenté par le cœur battant de Pluton ?
Parmi les éléments de l’image qui enthousiasment le plus les scientifiques, on peut citer la brume enveloppant la surface de Pluton. Cette brume est plus complexe que prévu, et plus volumineuse que sur Terre. « Je n’ai toujours pas réussi à me faire à l’idée qu’on y voit si bien la brume de Pluton, » commente Sarah Hörst, de l’Université Johns Hopkins. « Tout ce que je sais et ce que je crois à propos de la formation de la brume me laissait penser qu’il y avait de la brume sur Pluton, mais je n’étais vraiment pas sûre qu’on pourrait la voir sur les images. »
Sur Terre, la brume a tendance à se former à proximité du sol, lorsque des gaz d’échappement (par exemple) réagissent avec la lumière du soleil pour produire des particules. Sur Pluton, mais aussi autour de la lune de Saturne Titan, la brume peut se former n’importe où, même dans les hauteurs de l’atmosphère, et n’a pas la même composition que sur Terre. Pour Hörst, l’aspect le plus remarquable de la brume dans cette nouvelle image est ses couches spectaculaires dont l’origine reste un mystère. « La structure incroyablement détaillée nous permettra d’en savoir beaucoup plus sur les procédés atmosphériques qu’il s’y passe, » continue-t-elle.
Sur Pluton, tout ce qui a trait à la brume n’est pourtant pas inconnu. « En vous tenant sur le haut de l’une des montagnes culminant à, disons, 2,4 kilomètres au-dessus du sol des alentours, si vous regardez en direction du soleil couchant (ou levant), vous observerez du brouillard cloué au sol comme il en existe sur Terre, » affirme Howard.
Le soleil couchant illumine un brouillard ou de la brume près du sol, coupé par les ombres parallèles des collines et des petites montagnes environnantes, sur Pluton.
photographie de NASA/JHU/SwRI
Aussi surprenant soit-il qu’une planète si petite et si glaciale ressemble à la Terre, il n’y a en fait rien de spécial au fait que deux planètes partagent certaines caractéristiques. Plus on regarde, plus on retrouve des aspects et des procédés connus sur d’autres mondes : des volcans sur Io, des geysers sur Enceladus, des rivières et des mers de méthane sur Titan, des plaques tectoniques sur Europe… Et puis, il y a de l’eau, de l’eau partout. C’est pourquoi, en comprenant mieux ces endroits exotiques de notre voisinage solaire, on finit toujours par en apprendre un peu plus sur notre propre planète.
source : nationalgeographic.com