Ce ne sont parfois que quelques notes. Mais elles nous trottent dans la tête pendant des heures. On ne parvient pas à s’en défaire. On croit la mélodie partie, elle ressurgit de plus belle, se répète en boucle, encore et encore. Pour ces airs entêtants (souvent très mauvais), les Allemands ont une appellation imagée : Ohrwurm, littéralement « vers d’oreille ». A l’occasion de la Fête de la musique, prévue dimanche, 20 Minutes s’est penché sur les explications scientifiques de ces virus musicaux.
Crédits photos : Digitalbob8, via Flickr.com
« Notre plaisir marche par anticipation »
Quand le son d’une chanson nous parvient, c’est tout notre cerveau qui se met en branle. « La musique est une vibration qui rentre dans notre oreille et se transforme en signal électrochimique », explique le neurologue Pierre Lemarquis. L’auteur de Sérénade pour un cerveau musicien poursuit : « Elle est en quelque sorte dispatchée. Un circuit pour chaque composante. La mélodie va plutôt dans l’hémisphère droit. L’écart entre les notes, dans la partie gauche ».
Et le plaisir de l’écoute ? « Quand le morceau nous plaît, notre lobe frontal, au-dessus des yeux, se met en route et actionne notre mémoire à court terme. Notre plaisir marche alors par anticipation », poursuit le neurologue. « Quand on entend les notes que l’on attend, cela nous rassure. Mais il faut aussi des variations pour éviter l’ennui. C’est le principe du refrain et du couplet. Toutes nos berceuses maternelles sont construites sur ce modèle ».
La musique, cette drogue
En 2005, une équipe de chercheur du Dartmouth College, dans l’État du New Hampshire, a mené une expérience sur le cortex auditif. Les scientifiques ont étudié l’activité cérébrale de leurs cobayes en leur passant des chansons (certaines connues, d’autres non). Ils coupaient ensuite le son, sans les prévenir, quelques secondes. « Pour les musiques familières, les patients ont automatiquement continué la musique en remplaçant la partie manquante. Le cortex a continué de chanter », détaille le chercheur David Kraemer au Guardian. « Le cortex auditif qui s’active lorsqu’on écoute une chanson se réactive lorsqu’on imagine simplement l’entendre à nouveau ».
« Pour une musique agréable, le cerveau chante et danse, même si le corps ne bouge pas. Ce sont les neurones miroirs qui s’activent », développe Pierre Lemarquis. Ce système atteint ensuite la partie la plus ancienne : le système du plaisir et de la récompense. « La musique, entendue ou imaginée, fait secréter plusieurs substances : la dopamine liée au plaisir, la sérotonine qu’on trouve dans les antidépresseurs et l’endorphine qui donne des frissons ».
Le cerveau addict se repasse les tubes
Le cerveau va en quelque sorte devenir addict et rejouer régulièrement les musiques qui lui plaisent. Sans nous le demander. « La musique agit comme une drogue. Le "cerveau ancestral" peut repasser en boucle ces sons pour libérer à nouveau les substances qui lui font du bien. "La partie évoluée" du cerveau en a parfois marre, mais le système du plaisir et de la récompense a vite fait de le désarçonner et de prendre le dessus ».
Un souvenir, un mot, une mélodie entendue du coin de l’oreille serviront de déclencheur. « Notre cerveau procède beaucoup par analogie, sans que l’on s’en rende compte. Il n’y a qu’à voir comment la musique peut réveiller des souvenirs chez les malades d’Alzheimer pour comprendre sa force ». Reste le mystère du tube, secrètement gardé par les compositeurs de talent.
source : 20minutes.fr